Quelle est l’utilité des « petits » modèles ? (1/2)

C.H.

Jean-Edouard de Mafeco propose une intéressante réflexion sur la chasse au cerf et les différentes manières dont un peintre et un économiste vont l’appréhender. Pour l’économiste, et surtout le théoricien des jeux, la chasse au cerf est un jeu basique qui est inspiré de la parabole de Rousseau :

« Voilà comment les hommes purent insensiblement acquérir quelques idées grossières des engagements mutuels, et de l’avantage de les remplir mais seulement autant que pouvait l’exiger l’intérêt présent et sensible ; car la prévoyance n’était rien pour eux, et, loin de s’occuper d’un avenir éloigné, ils ne songeaient même pas au lendemain. S’agissait-il de prendre un cerf, chacun sentait bien qu’il devait pour cela garder fidèlement son poste ; mais si un lièvre venait à passer à la portée de l’un d’eux, il ne faut pas douter qu’il le poursuivit sans scrupule, et qu’ayant atteint sa proie il ne se soucia fort peu de faire manquer la leur à ses compagnons »

Formellement, les choses vont alors être représentées par la matrice suivante :

      B  
    Cerf   Lièvre
  Cerf 3 ; 3   0 ; 2
A        
  Lièvre 2 ; 0   2 ; 2

Ce jeu a donné lieu, un peu à la manière du dilemme du prisonnier, à de nombreuses réflexions théoriques d’une profondeur qui peut surprendre étant donnée la simplicité de la forme basique. On peut notamment consulter cet ouvrage de Brian Skyrms pour avoir un aperçu de ce que cette parabole peut nous apprendre. Ce jeu est intéressant car il formalise le problème de la confiance : l’équilibre [cerf ; cerf] est socialement optimal mais on ne peut l’atteindre que si les joueurs font suffisamment confiance à leur partenaire. Or, si l’on est incertain quant aux intentions de notre partenaire, il est clairement moins risqué de chasser le lièvre (l’équilibre [lièvre ; lièvre] est dominant en risque). Dans une perspective évolutionnaire, on peut facilement montrer que c’est dans ce dernier équilibre que la population passera l’essentiel de son temps.

Dans les commentaires au billet de Jean-Edouard, Denis Colombi fait une remarque intéressante :

En même temps, avec ce modèle, on explique pas grand chose de la chasse au cerf : par exemple, on ne peut pas dire pourquoi les gens s’y adonnent (ou pas), pourquoi ils s’y adonnent d’une certaine façon (en coopérant ou pas), etc.

Certes, on peut dire quelle est la bonne tactique pour chasser. Et encore, la théorie des jeux est-elle vraiment nécessaire pour cela ? (…)

En fait, le modèle de l’économiste fonctionne très bien sans la chasse. On peut le concevoir sans même avoir jamais vu une chasse au cerf de sa vie. Il faut bien preuve de parcimonie et tout, mais finalement, pour dire quoi ? Je n’ai pas l’impression que l’on en sache plus sur la chasse au final.

Toujours est-il qu’en partageant sans doute beaucoup plus de choses avec l’économiste (l’ambition scientifique tout ça) qu’avec le peintre (je suis plus art contemporain/conceptuel/trucs bizarres mais marrants), je reste un peu sur ma faim (scientifique) avec ces histoires de modèle et je ne peux m’empêcher de penser que si on vire l’historicité de ce qu’on étudie, ben on étudie plus grand chose justement. »

La remarque de Denis met le doigt sur quelque chose de fondamental : qu’est ce que ce genre de modèle peut nous apprendre sur la société et sur l’économie ? Cette question s’insère dans la problématique plus large de l’interprétation et de la signification des modèles. Il s’agit d’une question difficile qui, a bien des égards, repose sur un certain clivage culturel entre la tradition « analytique » anglo-saxonne et la tradition que je qualifierai « d’holistique » d’Europe continentale*. Ce clivage a des racines profondes et remonte au minimum à la divergence entre la philosophie anglo-saxonne à la Hume et la philosophie idéaliste à la Kant et Hegel. En effet, la critique que développe Denis est typique d’un mode de pensée holistique qui met en avant l’historicité des phénomènes, le fait que chaque phénomène s’insère toujours dans un ensemble plus large qui le précède et le détermine partiellement. La pensée holistique, c’est considérer que pour expliquer une partie, il faut comprendre le tout. Cette optique conduit de facto à être sceptique, non sur l’intérêt des modèles en sciences sociales, mais sur la pertinence des modèles non complexes et a-historiques : des modèles développant des réflexions déconnectées de tout contexte historique ou social particulier et adoptant des hypothèses simples permettant de déboucher sur une conclusion non équivoque.

Cette façon de faire est effectivement caractéristique de la méthode analytique (que l’on doit d’abord à Descartes mais que l’on va retrouver chez beaucoup de philosophes anglo-saxons) : pour comprendre un phénomène, il faut le décomposer en parties plus simples et étudier ces parties isolément. C’est précisément l’objectif des économistes qui veulent étudier le développement de la coopération et le rôle de la confiance par le biais de la chasse au cerf. Cette façon de faire est très commune chez les économistes de manière générale : on élabore des modèles très stylisés que l’on explore, amende, enrichi et on tente de rattacher les enseignements des modèles à des faits réels en soulignant le parallélisme voire l’isomorphisme entre ce que décrit le modèle et ce qui se passe dans la réalité. Dans ce processus, il y a tout un travail de « crédibilisation » du modèle : par le biais d’un storytelling, le théoricien va tenter de montrer qu’il y a effectivement un parallélisme entre le modèle et la réalité. Typiquement, la démopnstration du parallélisme se fait « en-dehors » du modèle, sans formalisation et de manière discursive avec souvent une bonne pincée de rhétorique. C’est ce que montre Sugden et McCloskey chacun à leur manière (voir aussi cet article sur le rôle du storytelling en théorie des jeux). La démonstration de la pertinence du modèle implique souvent un « saut inductif » ou encore un moment abductif : parce que le modèle décrit un monde dont les caractéristiques sont similaires à certaines caractéristiques du monde réel, alors on est autoriser à inférer que les conclusions du modèle ont une certaine portée dans le monde réel.

De ce point de vue, il ne faut pas se laisser abuser par le nom du jeu de la chasse au cerf. L’histoire de la chasse au cerf (comme pour le dilemme du prisonnier du reste) ne sert qu’à donner une substance à un ensemble de propositions purement formelles, justement pour justifier de la pertinence (de la crédibilité) du modèle. Les économistes se fichent de la chasse au cerf proprement dite. Par contre, ils considèrent que l’interaction stratégique que le modèle décrit formellement a de nombreuses et profondes extensions dans le monde socioéconomique. C’est ce qui autorise alors les économistes à penser que l’approfondissement du modèle (à des niveaux de complexité parfois très élevés), son « exploration », vaut le coup. Dans la seconde partie de ce billet, j’essaierai d’illustrer simplement ce que le jeu de la chasse au cerf peut nous apprendre même si l’on ignore l’historicité des interactions qu’il est sensé décrire.

 

*En aparté, je ferai remarquer qu’en préparant mon cours d’analyse systémique pour des M2 cette année, j’ai été confronté au même clivage entre la systémique « européenne continentale » et la systémique anglo-saxonne. Il n’y a en effet pas grand-chose de commun entre la systémique à la Le Moigne/Morin et l’analyse des systèmes complexes à la Holland ou Arthur, hormis peut être la notion de complexité.

7 Commentaires

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7 réponses à “Quelle est l’utilité des « petits » modèles ? (1/2)

  1. Thomas

    Un détail. Vous dites :
    « Ce clivage a des racines profondes et remonte au minimum à la divergence entre la philosophie anglo-saxonne à la Hume et la philosophie idéaliste à la Kant et Hegel »

    Je crois que vous confondez la divergence Kant Hume, sur le principe de causalité et celle entre Kant et Hegel sur le caractère a priori ou empirique de la raison. Si je ne dis pas de bêtises, pour Kant, la raison n’a pas besoin de données sensibles pour « raisonner », elle est a priori, purement formelle. Pour Hegel, il n’y a pas de « raison » hors contexte empirique.

    Je laisse à un lecteur du blog que je connais bien le soin de me corriger si je me trompe.

    • elvin

      C.H. dit : « L’histoire de la chasse au cerf … ne sert qu’à donner une substance à un ensemble de propositions purement formelles… Les économistes se fichent de la chasse au cerf proprement dite. »
      Et Jean-Edouard concluait son billet en disant : « nos deux compères peintre et économiste ne poursuivent pas exactement le même but. »

      On peut même être plus précis : non seulement ils ne poursuivent pas le même but, mais ils ne traitent pas du même sujet. Le peintre traite vraiment de la chasse au cerf, alors que l’économiste du billet utilise l’exemple et le vocabulaire de la chasse au cerf pour parler de la logique de l’action collective.

      Le danger, contre lequel je n’arrête pas de mettre en garde, c’est de croire et de faire croire à des lecteurs superficiels que parce qu’ils utilisent le langage de la chasse au cerf (resp de l’économie), ces énoncés formels sont ipso facto pertinents dans le domaine de la chasse au cerf (resp de l’économie). Un exemple extrême est la Théorie de la valeur de Debreu.

      Et un détail relatif au détail de Thomas : si mes souvenirs sont exacts, ce que dit Kant, c’est qu’il existe des vérités a priori antérieures à l’expérience (celles justement qui sont les conditions de la constitution de l’expérience – c’est l' »argument transcendantal »)). Mais la raison ne s’en contente pas. A partir de là, elle peut « raisonner » aussi à partir des données sensibles.

  2. C.H.

    Oui, j’ai peut être simplifié de manière excessive. Mais fondamentalement, ce n’est pas vraiment mon point. Ce que je veux souligner, c’est que tous les développements des philosophies « non-analytiques » (herméneutique, phénoménologie, post-modernisme) trouvent d’une manière ou d’une autre leurs racines dans la philosophie continentale et plus spécifiquement allemande, philosophie que l’on a qualifié traditionnellement d’idéaliste. A l’inverse, il est très clair que la philosophie analytique (dont le positivisme du 20ème siècle est une espèce) trouve son origine dans les philosophies empiriques à la Locke, Bacon, Hobbes ou encore Hume (d’ailleurs, les deux derniers sont souvent considérés comme les premiers « théoriciens des jeux »).

    J’imagine que cette grille de lecture fera sursauter plus d’un philosophe (c’est un peu comme résumer l’économie à l’opposition Keyne vs les néoclassiques) mais je lui trouve une certaine vertu heuristique. Ce qui est sûr, c’est que le clivage entre la démarche analytique de la grande majorité des économistes et l’approche plus holistique de la plupart des sociologues (et de quelques économistes dits hétérodoxes) existe et est isomorphique avec ma partition des traditions philosophiques.

    Après, je connais mal la philosophie de Hegel, un peu mieux celle de Kant. La philosophie de Kant a quand même donné naissance au néo-kantisme dont une branche oppose la dimension idiographique des sciences de la culture à la dimension nomologique des sciences de la nature. Et, clairement, cette thèse néo-kantienne conduit à la remise en cause de la démarche analytique.

  3. J-E

    Merci beaucoup pour avoir répondu aux commentaires sur mafeco d’une façon aussi détaillée, et avec une profondeur philosophique que j’aurais été en peine d’atteindre. Non seulement je n’avais pas le temps de répondre (j’espère pouvoir le faire ce week-end), mais en plus le site a encore sauté (suite aux millions de lecteurs qui ont suivi le lien sur ce blog probablement). Je note quand même l’ajout sournois de +1 à tous les paiements non nuls du jeu par rapport à ma matrice, ça va nous changer l’équilibre en stratégies mixtes ça…

  4. Silvertongue

    Je sors de ma boîte un peu comme un clown à ressort et sans aucune certitude de mériter le statut de référent que me prête généreusement le Sieur Thomas.

    @Thomas, donc :

    Concernant la raison chez Kant, elle peut effectivement fonctionner sans recours à l’expérience. L’idéal régulateur est le fruit d’un usage de la raison sans expérience. Le seul truc, mais c’est très loin d’être un détail, c’est que la raison pure ne connaît pas – or la question « que puis-je connaître ? » définit tout de même le programme de la Critique de la raison pure. Jamais Kant ne revient sur son affirmation selon laquelle « les concepts sans intuition [=sans données sensibles] sont vides, et les intuitions sans concept, aveugles ». Cela signifie qu’il n’y a pas de connaissance sans expérience. L' »idéalisme transcendantal » de Kant est un « réalisme empirique » – et même si ces formules sont plutôt opaques en elles-mêmes, on peut en rester à cette idée que la philosophie de Kant a (c’est un de ses aspects essentiels) un versant réaliste et empirique.

    Concernant Hegel, en revanche, on peut difficilement écrire qu' »il n’y a pas de « raison » hors contexte empirique ». Le système de Hegel est fréquemment qualifié d' »idéalisme absolu ». Cela signifie justement que la nécessité d’une extériorité par rapport à la raison est refusée par Hegel. Bon, il est vrai que le terme « raison » ne désigne pas exactement la même chose chez Kant et chez Hegel (la Raison de Hegel n’est plus une faculté humaine, elle est ce qui se révèle à soi-même dans le mouvement de l’histoire du monde), mais l’essentiel est que Hegel soit un idéaliste. On pourrait sans doute répondre à cela que dans le mouvement dialectique l’opposition entre idéalisme et réalisme est dépassée par Hegel, mais ce dépassement a lieu dans une voie que je qualifierais volontiers d’idéaliste.

    Pour finir, et en allant (encore) beaucoup trop vite : malgré ce que je viens d’écrire le fait de rapprocher Kant et Hegel et de les opposer à Hume (dans une démarche explicitement revendiquée comme heuristique) ne me semble pas sujet à faire dresser les cheveux sur la tête. Kant a beau faire de Hume son réveil matin et son meilleur ennemi, il reste qu’il pense toujours (on peut lire cette opposition tout au long de son œuvre et pas seulement dans la Critique de la raison pure) contre lui et jamais avec lui.

    @C.H :

    J’avoue que c’est un autre point (si l’on se limite aux références strictement philosophiques) qui m’a interrogé : le fait de faire remonter l’approche analytique à Descartes. Il me semble cette approche est aussi vieille que la démarche philosophique. Sans doute, cette affirmation vient-elle de la règle de décomposition du complexe en simple dans la méthode cartésienne, mais c’est prêter à l’idée une nouveauté qu’elle n’a sans doute pas. En même temps je reconnais, cela n’a pas grande importance dans le contexte.

    Pour passer à tout autre chose, il me semble extrêmement important de préciser que le storytelling ne doit pas (et ne peut, en toute rigueur, pas) être un moyen de modifier le jeu. Un jeu se définit uniquement par deux choses : 1) l’ensemble des stratégies et 2) l’ensemble des paiements qui y sont associés. Trop souvent, l’histoire sert à surdéterminer le jeu – ce qui n’est qu’une autre façon, en réalité, de le modifier subrepticement.

    Une fois cette précision faite (elle peut sembler évidente, mais elle me semble parfois oubliée par les plus grands), je vois le storytelling uniquement comme un support pour faciliter l’entrée dans la structure du jeu. Du coup, il ne me semble pas qu’il contribue à « crédibiliser » le jeu – et cela quel que soit le sens que l’on donne au terme « crédibiliser ». Il aide seulement à son appréhension, à sa compréhension – ce qui est tout différent.

    Qu’est-ce qui est supposé faire le lien entre le modèle et la réalité si le storytelling n’est qu’un support introductif ? Je crois que c’est effectivement un processus inductif qui consiste à chercher quels cas peuvent être saisis par le cadre formel qu’est le jeu. Mais je ne suis pas du tout convaincu par l’idée que le storytelling soit le vecteur de ce travail de subsumption.

    Autrement dit, si j’adhère tout à fait à l’affirmation selon laquelle « l’histoire de la chasse au cerf (comme pour le dilemme du prisonnier du reste) ne sert qu’à donner une substance à un ensemble de propositions purement formelles », j’ai beaucoup plus de mal à admettre ce que tu présentes comme le pendant de cette affirmation, à savoir que l’histoire sert « justement pour justifier la pertinence (la crédibilité) du modèle ».

    Sans doute, ma réserve repose-t-elle sur le fait que je ne donne pas tout à fait le même sens que toi à la formule « donner sa substance à un ensemble de propositions formelles ». Cette formule semble signifier pour toi que l’histoire permet de mettre en évidence le lien structurel (ou l’isomorphie) entre une situation intuitivement facile à se représenter et le jeu ou le modèle – ce que j’appellerais « faire entrer le jeu dans l’expérience ».

    Or, il me semble que prêter à l’histoire le rôle de faire entrer le jeu dans l’expérience fait courir à nouveau le risque de le surdéterminer. Toute personne qui a dû expliquer la matrice du dilemme du prisonnier à des étudiants a fait l’expérience du « de toute façon, dénoncer c’est dégueulasse »…

    L’histoire est toujours plus riche qu’un jeu dont la force et la faiblesse (comme tout modèle) est d’être une épure. L’inutilité d’une carte géographique à l’échelle 1/1 devrait suffire à justifier la démarche qui consiste présenter un modèle simplifié (et en l’occurrence qu’il soit mathématisé ou conceptuel en un autre sens n’a aucune importance). Mais il est vrai que cela ne prouve en rien que la représentation est « bonne », « intéressante », « valide » ou encore « instructive ».

    Le dilemme du prisonnier est « crédible » du fait que l’on peut retrouver sa structure de tension entre rationalité individuelle et rationalité collective dans un grand nombre de cas – pas du fait de l’historiette qui est plutôt un obstacle de ce point de vue. Et, le fait que l’on constate que les gens ne résolvent pas une situation réelle comme le prédit le modèle montre non pas que le modèle n’est pas « crédible », mais que la situation réelle ne correspond pas aux hypothèses de ce dernier.

    Quand on parle de « prisonniers » ou de « contribution au financement d’un phare », on dépasse déjà l’épure formelle et cela explique tout à fait la divergence constatée entre la théorie et le comportement des gens : ces formules ont un effet de surdétermination du cadre « ensemble de stratégies » + « gains qui y sont associés ».

    Je ne suis sûr que nous soyons en désaccord, malgré la rhétorique d’opposition que j’ai utilisé tout au long de ce message, mais j’aimerais beaucoup savoir ce qu’il en est.

  5. Thomas

    Merci pour cette « courte » correction.

  6. Pingback: La presse en ligne ne sait pas chasser le cerf | Economie numérique

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