Analyse économique du basket américain

Quels sont les contrats optimaux pour inciter un sportif, dans un sport collectif, à fournir l’effort maximal le plus bénéfique pour son équipe ? Je me souviens avoir écrit un billet où il était indiqué, qu’en matière de football, il est difficile d’imaginer autre chose qu’un système de prime collective, même si l’efficacité de ce dernier n’a rien d’évidente. Le problème principal-agent se pose également pour le basket, mais de manière plus étonnante. Le basket a en effet la spécificité d’être l’un des sports (voire LE sport) les plus quantifiés : notamment aux Etats-Unis, toutes les actions de jeu possibles donnent lieu à une statistique. On pourrait alors se dire qu’il est relativement facile pour le coach ou le dirigeant d’une équipe d’élaborer des contrats sur mesure pour chaque joueur où, outre une rémunération fixe (satisfaisant à la contrainte de participation), une part variable serait dépendante de certaines statistiques (nombre de points marqués, rebonds, passes décisives, etc.). Sur une saison entière, ces statistiques sont sensées en effet représenter une bonne mesure de l’effort de chaque joueur. Mais en fait, ce type de clause dans les contrats est assez rare, et cela s’explique en partie par les règles du basket qui peuvent inciter à la non-coopération.

C’est ce que note Al Roth en citant un long portrait paru dans le New York Times du basketteur des Houston Rockets Shane Battier :

 « There is a tension, peculiar to basketball, between the interests of the team and the interests of the individual. The game continually tempts the people who play it to do things that are not in the interest of the group. On the baseball field, it would be hard for a player to sacrifice his team’s interest for his own. Baseball is an individual sport masquerading as a team one: by doing what’s best for himself, the player nearly always also does what is best for his team. “There is no way to selfishly get across home plate,” as Morey puts it. “If instead of there being a lineup, I could muscle my way to the plate and hit every single time and damage the efficiency of the team — that would be the analogy »

« When I ask Morey if he can think of any basketball statistic that can’t benefit a player at the expense of his team, he has to think hard. “Offensive rebounding,” he says, then reverses himself. “But even that can be counterproductive to the team if your job is to get back on defense.” It turns out there is no statistic that a basketball player accumulates that cannot be amassed selfishly. “We think about this deeply whenever we’re talking about contractual incentives,” he says. “We don’t want to incent a guy to do things that hurt the team” — and the amazing thing about basketball is how easy this is to do. “They all maximize what they think they’re being paid for,” he says. He laughs. “It’s a tough environment for a player now because you have a lot of teams starting to think differently. They’ve got to rethink how they’re getting paid.”
 »

Pour la petite histoire, Shane Battier est ce qu’on appelle un « no-stat player », c’est à dire quelqu’un dont la contribution (importante) sur le terrain ne se traduit pas directement en terme statistique. Typiquement, il s’agit en général de joueurs très bon en défense, capable de stopper le scoreur adverse, il s’agit aussi souvent de joueurs qui font peu d’erreurs et susceptibles d’être décisifs dans le money time (c’est à dire les dernières minutes d’un match). Le problème du basket, comme la citation l’indique, c’est qu’il existe un dilemme : toute action individuelle quantifiable statistiquement peut être bénéfique ou au contraire négative pour le collectif. L’exemple le plus flagrant est en défense : un joueur rémunéré au nombre de contres ou d’interceptions va être incité à systématiquement tenter de réaliser cette action de jeu. Le problème c’est que, lorsque vous essayez de contrer votre adversaire, par définition vous ne pouvez pas être au rebond derrière sur son shoot. Du coup, le problème principal-agent est particulièrement difficile à résoudre… et apparement, si l’on en croit l’article, les dirigeants des équipes de basket américaines commencent à s’en rendre compte. Il faut insister d’ailleurs sur le fait que ce n’est pas une vue de l’esprit : un (jeune) joueur qui joue dans une équipe médiocre a tout intérêt à accumuler des statistiques impressionantes, sachant que son futur contrat (d’une valeur de plusieurs millions de dollars) et l’équipe dans laquelle il jouera dépenderont directement de sa ligne de stats…

Pour changer de registre tout en restant sur le basket américain, à noter l’analyse de Tyler Cowen qui fait un parallèle entre les difficultés économiques du Japon (dont le PIB a baissé de plus de 3% lors du dernier trimestre) et les problèmes rencontrés par les Phoenix Suns. Les Suns, comme d’autres équipes de NBA, ont pas mal « investit » ces dernières années en joueur. Les règlements des ligues américaines de sport professionnel font que la masse salariale d’une équipe ne peut dépasser un certain montant. Cela signifie que lorsque vous signez de nouveaux joueurs assez cher, à un moment ou un autre il faudra alléger votre masse salariale si vous voulez pouvoir resigner votre star ou en signer une nouvelle… ou ne plus payer la taxe qui est due quand votre masse salariale est trop importante. C’est exactement ce qu’il se passe pour les Suns ou pour les Hornets. En un mot, c’est un problème de deleveraging.

L’ennui c’est qu’actuellement – probablement en raison de la crise – l’offre de joueurs est plus forte que la demande : « You’ve got a market loaded with motivated sellers and only a very small group of buyers, » one NBA executive told ESPN.com. « It’s really ugly. Owners are scared to death right now. » Du coup, les équipes sont obligées de brader leurs « actifs ». Voilà qui rappelle effectivement des choses… 

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