Deux petits extraits des écrits de Krugman :
« You can’t do serious economics unless you are willing to be playful. Economic theory is not a collection of dictums laid down by pompous authority figures. Mainly, it is a menagerie of thought experiments–parables, if you like–that are intended to capture the logic of economic processes in a simplified way. In the end, of course, ideas must be tested against the facts. But even to know what facts are relevant, you must play with those ideas in hypothetical settings« .
Paul Krugman, « The Accidental Theorist« .
« I do not mean to say that formal economic analysis is worthless, and that anybody’s opinion on economic matters is as good as anyone else’s. On the contrary! I am a strong believer in the importance of models, which are to our minds what spear-throwers were to stone age arms: they greatly extend the power and range of our insight. In particular, I have no sympathy for those people who criticize the unrealistic simplifications of model-builders, and imagine that they achieve greater sophistication by avoiding stating their assumptions clearly. The point is to realize that economic models are metaphors, not truth. By all means express your thoughts in models, as pretty as possible. But always remember that you may have gotten the metaphor wrong, and that someone else with a different metaphor may be seeing something that you are missing« .
Paul Krugman, « How I Work« .
Quelques conmmentaires :
Avoir un raisonnement économique, c’est procéder à partir de paraboles simples, aux hypothèses rudimentaires, pour essayer de saisir la logique et les mécanismes génériques d’un phénomène ou d’une situation. Ces expériences de pensée procèdent à partir de ce que l’économiste Bruce Caldwell appelle les basic economic reasonings : des raisonnements basiques de nature microéconomique, pas forcément formalisés, que l’on peut facilement illustrer par la méthode graphique. Ces raisonnement permettent de « raconter des histoires » qui peuvent être très éclairantes sur le plan heuristique parce que contre-intuitives. Comme le dit Caldwell : « Though basic economic reasoning is simple, it is not simplistic, and indeed, it often leads one to results that are not at all obvious. For example, the idea that the incidence of taxation depends on the elasticities of supply and demand, and not on whether a tax is initially paid by a buyer or a seller of a good, is not at all intuitive, but is crucial if one wants to understand who actually bears the burden of a tax« .
Les économistes sont souvent incompris, voire critiqués pour cette manière de procéder. Pourtant, la puissance heuristique des concepts économiques de base tels que ceux de coûts d’opportunités, d’avantages comparatifs, de bénéfices et de coûts marginaux, etc., est réelles et permet d’éclairer simplement beaucoup de phénomènes économiques. Leur première vertu est notamment de permettre de réfuter de nombreux sophismes économiques. Ainsi, quelqu’un qui a compris les raisonnements économiques de base avait très vite perçu pourquoi la proposition faite par Hilary Clinton et John McCain de baisser les taxes sur l’essence pour les vacances était un non-sens.
L’économie ne s’arrête évidement pas à ces raisonnement de base, et heureusement. Reconnaître leur intérêt ne remet pas en cause la multitude des méthodes qui peuvent être ensuite utilisées pour étudier les phénomènes économiques. De la même manière, il faut se méfier de la construction des modèles formalisés trop complexes construits sur ces principes car ils finissent par en dénaturer la fonction. Le manque de réalisme des raisonnement économiques de base n’est pas un problème tant que l’on reste dans un cadre illustratif. Mon opinion est que leur utilisation devient plus problématique dans le cadre de modèles trop complexes qui perdent de vue cette perspective heuristique. Comme le dit Krugman, il ne faut pas oublier que les modèles restent des métaphores. Et des métaphores inutilement complexes ne servent à rien.
Il y a beaucoup de dissensions en économie entre les différentes chapelles économiques. Certaines considèrent même que de tels raisonnements n’ont aucune pertinence. Elles ont à mon avis tord. Globalement, toutefois, de tels raisonnements sont ce qui réunit la plupart des économistes. Faire comprendre l’utilité mais aussi les limites des paraboles et des raisonnements économiques basiques est, je pense, la première fonction de celui qui enseigne l’économie.