Agences de notation financière et bêtise politicienne

C.H.

Deux informations en relation avec les agences de notation financière et les histoires de AAA me font dire que, décidément, les politiques feraient bien de prendre des cours d’économie.

Tout d’abord, on apprend que Bruxelles veut davantage réguler le secteur de la notation financière. Outre qu’il s’agirait d’une troisième salve de mesures en deux ans et demi, sachant que les deux premières n’ont manifestement pas été très efficaces, certaines d’entre elles me semble étranges, pour rester gentil. Par exemple, on peut lire dans l’article du Monde que

A l’avenir, l’ESMA, le régulateur européen des marchés, pourra ainsi suspendre de manière temporaire la notation d’un Etat dans certaines circonstances « exceptionnelles ». Un moyen d’éviter de rééditer deux précédents qui avaient particulièrement agacé les autorités européennes : les dégradations, par l’agence Moody’s, au rang de junk bonds (obligations pourries) des dettes grecque, en juin 2010, et portugaise, en juillet 2011, juste après que ces pays aient négocié un programme européen d’assistance.

Par hasard, il ne pourrait pas venir à l’idée des commissaires européens que le simple fait de suspendre une notation est déjà en soi une information qui peut être mise à profit pour les agents sur les marchés financiers ? Le problème n’est même pas les dérives potentielles de ce genre de dispositif (suspendre la notation dès que l’on craint une dégradation) mais plutôt qu’il serait tout simplement au mieux inutile, au pire inefficient car pouvant générer une sur-réaction.

Par ailleurs, les lumières de l’UMP attaquent Hollande pour sa dernière déclaration où il estime que les marchés financiers ont déjà, de fait, anticipé une dégradation de la note de la dette souveraine française. Pour l’UMP, Hollande « ne se comporte pas en homme d’Etat » ou de joue « le jeu de la défaite » (ça veut dire quoi au juste ?). Je ne sais pas si Hollande a la carrure d’un homme d’Etat, en tout cas ici il est un peu plus éclairé (ou moins hypocrite) que certains à l’UMP : qu’on le veuille ou non, il y a un indicateur objectif qui révèle très bien l’opinion des marchés financiers, c’est le fameux spread entre la France et l’Allemagne sur le taux des obligations. Depuis quelques jours, celui-ci ne cesse de s’accroître. Peut être que les « marchés » ont tort, mais toujours est-il que cet indicateur montre de manière évidente que le AAA de la France et le AAA de l’Allemagne n’ont pas le même statut. C’est un fait. Et nier que cela soit largement du au fait que les agents anticipent une évolution défavorable de la situation de l’endettement français (et donc à une baisse de la note), c’est ne pas comprendre grand chose au fonctionnement des marchés financiers.

5 Commentaires

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5 réponses à “Agences de notation financière et bêtise politicienne

  1. Gu Si Fang

    « J’ai besoin de vous emprunter de l’argent tous les mois, mais je vous interdis d’émettre un jugement sur ma capacité à rembourser. » No comment…

  2. elvin

    Variante « restaurateurs » : Il faut réguler le Guide Michelin pour que je puisse faire de la mauvaise bouffe sans qu’il me supprime mes trois étoiles.

  3. Tchoko

    C.H, la mesure ne m’apparaît pas totalement stupide. Si je suis tout à fait d’accord qu’en réalité, suspendre la note est bel et bien une information envoyée aux marchés, la question de fond à se poser est : est ce que cette décision de suspension de la notation va faire autant sur-réagir les marchés que si l’on avait tout simplement dégradé la note ? Je crois que non : ce type de suspension peut qd même limiter la réaction des marchés et modérer ce qui aurait pu être une augmentation brutale et sauvage des taux.

    Et pour le cas de la France par exemple, si le spread avec les taux allemands (plus de 150bp de différence sur les taux 10 ans) démontre à loisir qu’il y a un abaissement progressif, dans l’esprit des investisseurs du moins, de la note française, j’ai le sentiment que les taux 10 ans seraient certainement montés encore plus hauts, plus rapidement, si les agences de notation avaient dégradé la note de la France de manière effective.

    • Nicolas Paris

      Tchoko, pour les marches, l’absence d’information est encore plus terrifiante que les mauvaises nouvelles.

      Le seul potentiel point positif de cette mesure est que certains fonds d’investissements sont limites dans leurs choix d’obligations. Les deux limites les plus courantes sont : AAA seulement, et IG (Investment Grade = tout ce qui n’est pas junk bonds). Ces limitations creent des ventes forcees lors des degradations des notes, et cette suspension des notes pourrait potentiellement limiter ces ventes forcees.

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