To engage in democratic politics means seeing your fellow citizens as equal autonomous agents capable of making up their own minds. And that means that in a functioning democracy, we owe one another reasons for our political actions. And obviously these reasons can’t be “reasons” of force and manipulation, for to impose a view on someone is to fail to treat him or her as an autonomous equal. That is the problem with coming to see ourselves as more like Glauconian rhetoricians than reasoners. Glauconians are marketers; persuasion is the game and truth is beside the point. But once we begin to see ourselves — and everyone else — in this way, we cease seeing one another as equal participants in the democratic enterprise. We are only pieces to be manipulated on the board.
Critics of reason, from Haidt to conservative intellectuals like Burke and Oakeshott, see reason as an inherently flawed instrument. As a consequence, they see the picture of politics I’ve just suggested — according to which democracies should be spaces of reasons — as unfounded and naïve. Yet to see one another as reason-givers doesn’t mean we must perceive one another as emotionless, unintuitive robots. It is consistent with the idea, rightly emphasized by Haidt, that much rapid-fire decision making comes from the gut. But it is also consistent with the idea that we can get better at spotting when the gut is leading us astray, even if the process is slower and more ponderous than we’d like. Giving up on the idea that reason matters is not only premature from a scientific point of view; it throws in the towel on an essential democratic hope. Politics needn’t always be war by other means; democracies can, and should be places where the exchange of reasons is encouraged. This hope is not a delusion; it is an ideal — and in our countdown to November, one still worth striving for.
Il s’agit d’un court extrait d’un article de Michael Lynch sur le blog The Stone, à propos du récent ouvrage du psychologue Jonathan Haidt, The Righteous Mind. L’ensemble de l’article est intéressant et pose la question de la place de la raison et de la rationalité dans le débat public. Lorsque l’on lit un auteur comme Haidt (dont les travaux s’inscrivent dans la lignée, de plus en plus longue, de recherches en économie, psychologie et philosophie qui viennent démystifier la rationalité humaine) on ne peut s’empêcher de penser que les théories rationalistes de la justice sont insuffisantes pour comprendre les principes de justice qui régissent nos société.
Deux remarques (qu’on trouve chez Mises, mais je n’ai pas les citations exactes):
1. la raison est un outil qui permet principalement de trouver les moyens qui permettent d’atteindre une certaine fin, Les fins elles-mêmes peuvent être des fins intermédiaires, auquel cas elles peuvent être également les fruits de la raison. Mais en remontant la chaîne, on arrive nécessairement à des fins ultimes qui sont données a priori et ne sont pas les fruits de la raison.
2. la raison est un outil très imparfait pour comprendre le monde, mais c’est quand même ce que nous avons de mieux pour ça.
L’auteur semble inclure dans une seule et même définition la démocratie et l’individualisme, je me trompe ?
Avec un tel amalgame, je ne vois pas comment il pourrait résoudre le problème posé par des réactionnaires comme Burke. Pour eux, l’homme n’est pas assez « rationnel » pour construire la société – et c’est vrai aussi d’une démocratie. Chez Mises cela donne l’argument du calcul socialiste, qui est une variante de la même idée. Acton (et Thucydide) ajoute que de toutes façons si l’on donne à l’homme le plus rationnel un tel pouvoir, il sera corrompu – il réagira aux incitations – et n’essaiera même pas de construire une société rationnelle. Hayek enfonce le dernier clou dans le cercueil avec l’argument qu’il n’y a aucune raison pour que la course au pouvoir soit remportée par un individu rationnel et honnête – « Why the worst get on top ».
Si l’on distingue l’individualisme (le respect des droits et de la liberté individuels) de la démocratie (le pouvoir du peuple, pour le peuple et par le peuple) on voit que la démocratie est bien souvent un obstacle à la rationalité individuelle. « On n’a pas trouvé mieux », dit Churchill. Certes, mais on ne peut pas se contenter d’une réponse fausse sous prétexte que l’on n’en a pas trouvé de correcte. Ce serait un argument… irrationnel !
J’ajoute, comme Benjamin Constant et quelques autres, que même s’il existait des hommes assez rationnels pour construire la société et assez honnêtes pour tenter de construire une société « juste » (à supposer que cette expression ait un sens -cf Hayek), ils n’auraient pas le droit de le faire en imposant leur volonté aux autres. La démocratie n’est essentiellement qu’une façon (probablement en effet la moins mauvaise) de désigner, de surveiller et éventuellement de révoquer les titulaires d’un pouvoir qui doit être limité de façon stricte a priori, quels que soient ses détenteurs et leur mode de désignation, et qui ne confère à la majorité aucun droit sur les minorités (pas plus d’ailleurs que l’inverse). .
«on ne peut s ’empêcher de penser que les théories rationalistes de la justice sont insuffisantes pour comprendre les principes de justice qui régissent nos société.»
Il me semble que la plupart des théories de la justice sont normatives et non descriptives, ie. qu’elles ne cherchent pas à décrire ou expliquer comment des agents endossent et perpétuent des règles institutionnelles; mais elles se demandent plutôt comment devraient être ces règles. La richesse des thèses en psycho ou en économie béhaviorale est de montrer qu’il existe des limites à ce qui est possible, car il serait inutile de proposer des structures institutionnlelles qui ne puissent être soutenues par un nombre suffisant de personnes. Mais à l’intérieur de ces limites, la question est normative.
@ JFM
« endossent et perpétuent » : c’est bien dit. Je crois qu’Adam Smith se situe au milieu, largement descriptif et empiriste dans les Sentiments moraux, mais aussi normatif avec son spectateur impartial.
Vous écrivez que la psychologie vise à étudier le spectre des règles auxquelles les gens adhèreront facilement. Quelles sont les règles qu’un agent respectera facilement ? Quelles sont les règles qu’il préfère ? C’est une question de préférences. La psychologie étudie les préférences des gens, l’économie en tire les conséquences logiques. Tout à fait d’accord.
Une manière de concilier les approches normative et descriptive consiste à dire que dans certains cas les gens peuvent choisir les institutions et les règles auxquelles ils adhèrent. C’est le cas d’un club, d’une association, d’une entreprise, etc. Tous respectent des normes universelles comme, mettons, les droits de l’homme, mais cela laisse beaucoup de marge de manœuvre. Si l’agent préfère d’autres règles, une façon de le savoir est de le laisser choisir et montrer ses préférences dans ses actions.
Le cas extrême est l’exil : lorsque les lois d’un pays sont suffisamment déplaisantes relativement aux pays voisins, certains individus déménagent. Un autre cas est la famille patriarcale : une fille qui ne veut pas que son père décide qui elle doit épouser, etc.
La psychologie ne peut pas avoir la même valeur probante que les choix réels dans des situations concrètes, à moins de considérer que l’on peut deviner les préférences des gens sans les laisser agir. On en revient toujours là.