Les plans de relance budgétaire sont-ils efficaces ?

Tout le monde l’a compris, la mode est aux plans de relance budgétaire. Tout le monde s’y met (à l’exception notable de l’Allemagne pour l’instant). La France ne déroge pas à la règle puisqu’elle s’est même dotée d’un ministre rien que pour ça. Je ne vais pas donner mon avis sur le plan français, faute de l’avoir décortiqué suffisamment, aussi je renvoi volontier le lecteur à ce billet sur Econoclaste qui donne déjà un bon aperçu. En revanche, il y a un point sur lequel je voudrais revenir : le problème de l’effet d’éviction.

L’effet d’éviction (« crowding-out effect » en anglais) est l’argument massue souvent mobilisé par les farouches opposants à toute forme d’intervention étatique, y compris en période de récession. L’idée est de dire que toute augmentation des dépenses publiques financées par une hausse de l’endettement va induire une augmentation des taux d’intérêt et, par conséquent, décourager les investissements privés. En d’autres termes, l’investissement public va se substituer à l’investissement privé. Dans le meilleur des cas, cela signifie que la relance budgétaire n’aura aucun impact, dans le pire, qu’elle aura même un effet néfaste sur l’économie du fait de la moins grande efficacité des investissements publics relativement aux investissements privés. Qu’en est-il exactement ?

Il y a débat parmi les macroéconomistes concernant la réalité de l’effet d’éviction. Ce que l’on peut dire, c’est qu’en raisonnant toutes choses égales par ailleurs, ce phénomène semble plausible : pour un stock d’épargne déterminé et fixe, le fait pour les pouvoirs publics d’accroîtres leur demande d’emprunt va nécessairement avoir pour effet d’induire une hausse des taux d’intérêt. Si l’on admet que l’investissement privé est fonction négative du taux d’intérêt, incontestablement il semble bien qu’il y ait éviction. Le problème, comme le souligne Mark Thoma dans ce billet, c’est que l’investissement est également fonction positive du niveau du revenu global de l’économie. L’investissement public ayant un double effet (hausse du revenu global et hausse du taux d’intérêt), l’effet net est donc indéterminé : l’éviction liée à la hausse du taux d’intérêt peut dominer mais il se peut également que la hausse du revenu global domine et entraîne finalement une augmentation de l’investissement privé.

En temps normal, cela veut dire que l’effet d’éviction n’est de toute façon jamais complet. La hausse du revenu global compense au moins en partie la hausse du taux d’intérêt, et à cela s’ajoute le fait que l’investissement privé n’est pas totalement élastique au taux d’intérêt. Toutefois, en période de récession, où sur le court terme c’est l’insuffisance de la demande effective (ou demande globale) qui conduit les entrepreneurs à reporter les investissements, l’augmentation des investissements publics est susceptible d’avoir un impact plus fort sur l’activité économique. Autrement dit, le multiplicateur est plus important en période de récession qu’en période « normale ». Si l’investissement privé est suffisament sensible à la hausse de la demande et du revenu, alors l’effet d’éviction sera dominé et l’investissement public induira une hausse de l’investissement privé. Toutefois, pour que tout cela soit possible, il faut se départir d’un raisonnement fallacieux : l’idée que le stock d’épargne disponible est fixe. Si cela était vraiment le cas, alors par définition l’investissement public et l’investissement privé financés par l’emprunt ne pourrait pas croître simultanément. Mais il suffit juste de se rendre compte que le stock s’épargne est lui-même fonction du revenu global : une hausse du revenu induite par l’augmentation de l’investissement public entrainera une augmentation du stock d’épargne disponible.

Tout ça est de la macroéconomie de manuel. En période de récession, il y a tout lieu de penser que l’effet d’éviction est dominé. Maintenant, le problème de ce genre de raisonnement macroéconomique pur est qu’il nous donne une vision trop globale. La vraie question est en effet celle de l’efficacité des investissements publics et du plan de relance. Il ne suffit pas d’augmenter les dépenses publics pour que l’économie reparte comme si de rien n’était. C’est à ce niveau là que les difficultés arrivent car déterminer les bonnes mesures à prendre est tout sauf évident. La vulgate keynésienne pourrait presque nous faire croire qu’il suffirait de donner un chèque à tous les ménages pour augmenter la demande effective et relancer la machine. C’est évidement une grosse erreur. D’une part, tous les ménages ne réagiraient pas de la même manière suivant leur niveau de revenu, la totalité du « chèque » pouvant parfois être épargnée. D’autre part, il y a le problème fondamental des anticipations et de la confiance. On sait que les décisions des entreprises sont fonction de leurs anticipations sur le futur. Cela est également en partie vrai pour les consommateurs. De ce point de vue, on peut penser que les pays européens ont un avantage sur les Etats-Unis : le taux d’épargne relativement élevé des ménages européens (un peu plus de 10%), alors que celui des américains est négatif (voir ici). Le fait que les ménages européens aient un taux d’épargne plus élevé peut les rendre plus enclins à consommer dans le futur. A l’inverse, étant donné les perspectives économiques, on peut s’attendre à ce que les ménages américains reconstituent dans un premier temps leur épargne. Autrement dit, le rétablissement de l’économie américaine prendra peut-être plus de temps que celui des économies européennes. 

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