Le philosophe des sciences Alex Rosenberg propose un article plutôt intéressant sur la « philosophie de l’économie » de Paul Krugman et sur ses contradictions internes. Les trois premières sections de l’article sont limpides et plutôt convaincantes. C’est moins le cas de la quatrième, qui porte sur la nature radicalement incertaine et réflexive des systèmes économiques. Lire la suite
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Rosenberg sur la « philosophie de l’économie » de Krugman et sur la réflexivité des systèmes économiques
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Réflexivité et équilibre de Nash
En 1928, l’économiste autrichien Oskar Morgenstern, s’intéressant aux capacités prédictives de la science économique dans un contexte où les agents peuvent modifier leur comportement en fonction des prédictions réalisées, discute un problème de décision ayant Sherlock Holmes et Moriarty comme protagonistes : poursuivi par Moriarty, Holmes monte dans un train en direction de Douvres. Il sait que Moriarty l’a vu et anticipe que ce dernier va l’attendre à la gare de Douvres. Holmes envisage alors la possibilité de descendre avant l’arrivée à Douvres, à la gare de Canterbury. Cependant, Holmes sait que Moriarty est quelqu’un d’intelligent, et par conséquent envisage sérieusement la possibilité que ce dernier ait anticipé son raisonnement. Holmes envisage alors finalement d’aller jusque Douvres, mais considère à nouveau sérieusement la possibilité que Moriarty raisonne de la même manière.
Ce problème ne semble pas avoir de solution, ce qui amena Morgenstern à conclure avec pessimisme sur les capacités prédictives de la science économique : dès lors que les agents sont dotés d’une capacité de réflexivité, autrement dit d’anticiper les effets de leurs décisions sur le comportement des autres et plus largement sur le système auquel ils appartiennent, alors il semble qu’une forme d’indécidabilité soit inévitable. La réflexion de Morgenstern n’est pas isolée. Quelques années plus tard, Keynes semble proposer une réflexion similaire au travers de son concours de beauté : le choix optimal de chaque participant dépend non pas de son évaluation de la beauté « objective » des visages, mais de sa croyance sur les évaluations des autres participants. Mais comme il en va de même pour chacun des autres participants, le choix optimal dépend de la croyance concernant la croyance des autres sur les évaluations de chacun, etc. Ici encore, le problème de décision est marquée par une dimension réflexive : les conséquences des décisions de chaque agent dépendent des décisions des autres agents, et chaque agent sait cela de telle sorte qu’il est capable d’anticiper mentalement le jeu des interdépendances croisées entre les décisions de chacun. Le problème que la réflexivité est supposée présenter pour la science économique est l’objet principal de la contribution de George Soros dans un numéro spécial du Journal of Economic Methodology, dont tous les articles sont librement accessibles. Lire la suite
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