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Réductionnisme et individualisme méthodologique

Daniel Little propose un nouveau billet sur l’individualisme méthodologique. J’ajouterai trois points qui complètent le propos de Little :

* Le principe – ontologique – selon lequel tous les phénomènes sociaux (institutions, relations entre agrégats, etc.) trouvent leur origine dans les croyances, préférences et actions des individus n’implique pas logiquement que l’explication en sciences sociales doivent nécessairement se réduire à ces croyances, préférences et actions. On a en effet à faire à un cas particulier de la thèse « survenance-implique-explication-réductionniste » dont j’ai noté l’autre jour qu’elle est fausse.

* La plupart des explications en sciences sociales sont des explications causales. Quand on regarde les théories de la causalité, une grande partie d’entre-elles repose sur une variante ou une autre de l’approche contrefactuelle. C’est par exemple le cas de la théorie de la causalité comme intervention développé depuis quelques années par James Woodward et qui tend de plus en plus à faire consensus. Dans ce cadre, les explications causales « macro » sont totalement légitimes dès lors qu’elles satisfont à un certain nombre de critères. En quelques mots, on dira que la variable X cause la variable Y si, et seulement si, pour au moins certaines valeurs de X = x, suite à une intervention I (répondant à certains critères) modifiant X tel que X = x’, la valeur de Y change de y à y’. Cette définition de la causalité (qui correspond largement à la pratique scientifique effective, en particulier dans les sciences de la nature) rend ainsi tout à fait légitime de parler de relations causales entre agrégats. Bien entendu, la critique de Lucas et la nécessité de prendre en compte les anticipations (rationnelles) des agents sont toujours valables, et doivent être pris en compte lorsque l’on définit le bon niveau d’explication à adopter.

* Comme j’ai essayé de le montrer ailleurs (auto-promo), les explications des phénomènes institutionnels qui reposent sur une approche en termes de théorie des jeux ne peuvent, ni en pratique ni en principe, réduire l’explication aux propriétés des agents. Non seulement, les institutions (conventions, normes, règles juridiques) sont nécessaires comme input dans l’explication pour surmonter le problème de la multiplicité des équilibres, et de plus il faut prendre en compte le fait qu’une institution est interprétée par les agents en fonction du contexte institutionnel plus large dans lequel elle s’insère. On ne peut faire abstraction des « macro-structures » dans lesquelles s’insère l’action des agents. On retrouve une idée similaire chez John Searle, avec son concept de Background.

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‘Market in everything’… même dans le cerveau

Via Marginal Revolution, je suis tombé sur ce récent article à propos de la neuroéconomie et de ses développements. L’article explique que la neuroéconomie est une discipline en expansion, comme en atteste le fait qu’aux Etats-Unis notamment, de plus en plus de projets décrochent des financements publics. De même, un nombre croissant d’universités dans le monde se dotent d’un centre de recherche en neuroéconomie. Tout en décrivant certaines des recherches du domaine, l’article revient aussi sur la difficulté qu’ont les « neuroéconomistes » à se faire accepter par les économistes, lesquels tendent à ignorer ou à minorer l’importance des résultats produits par la discipline.

Il y a là une question de fond qui dépasse le seul blocage institutionnel qui fait que, presque par nécessité, les membres d’une discipline sont toujours méfiants envers des méthodes et des pratiques différentes qui s’exportent sur leur terrain (plus la neuroéconomie s’étend, plus sera les compétences « traditionnelles » des économistes obsolètes et plus cela réduit les financements accordés à la recherche en économie « standard »). Notons déjà que, comme cela est très bien expliqué dans l’article, la neuroéconomie c’est finalement beaucoup d’économie et finalement encore assez peu de neurologie. Les travaux de Paul Glimcher, le pionnier de l’une des deux branches principales de la neuroéconomie (la seconde consistant à scanner le cerveau des individus pendant qu’ils prennent une décision, afin de localiser les zones du cerveau correspondant à telle ou telle attitude ou comportement), fait par exemple un usage extensif de la théorie économique standard pour étudier l’activité neuronale. Le rejet relatif de la neuroéconomie par les économistes standards ne s’expliquent donc pas fondamentalement par un problème de méthode. Le vrai problème porte plutôt sur l’utilité des résultats produits par cette discipline. Lire la suite

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