To blog or Not to Blog

C.H.

Comme l’a rappelé récemment Stéphane Ménia sur Econoclaste, « la blogosphère économique [française] est très indigente ». Ce qui surtout fait cruellement défaut (et ceci sans manquer de respect aux blogs d’une qualité indéniable tenus par des doctorants/enseignants/universitaires-pas-superstars) c’est la quasi-absence de grands économistes français développant de véritables discussions académiques mobilisant les éléments les plus à la pointe de la théorie économique (ou pas – cf. les sempiternels débats autour de ISLM aux EU) pour proposer des réflexions sur l’actualité économique. Aux Etats-Unis, la densité et la qualité des blogs sont telles qu’aujourd’hui la blogosphère est le théâtre de véritables débats quasi-académiques de très hautes tenues.

Cet article de Paolo Manasse sur Vox indique que les blogs économiques am&ricains ont de plus un véritable impact académique : un papier cité par Marginal Revolution ou Freakonomics voit immédiatement son nombre de téléchargements augmenter et tenir un blog reconnu est un gage de notoriété au sein même du monde académique. L’auteur compare cette situation avec celle de l’Italie, où comme en France le nombre de blogs tenus par des économistes universitaires est faible. Il suggère plusieurs hypothèses pour expliquer ce fait :

  • Italy’s ‘economic literacy’ is far below that of the US, and this implies lower benefits from blogging;
  • Italy’s concentration of media ownership is far larger in Italy, which leaves less room for individual initiatives;
  • Italian (European) economists share a Catholic/post-Marxist culture which places much less confidence on individual, as opposed to collective, achievement;
  • The ‘market size’ is much lower in Italy, also due to language barriers, and this limits the gains from blogging;1
  • The benefits of personal (nonmarket) networks in Italy are far larger than the benefits of market-oriented activities such as blogging.

Je suppose qu’une partie de ces hypothèses est transposable à la France, en particulier la 1 et la 4 (et éventuellement la 5). Ce qui est certain, c’est que l’obsession bibliométrique croissante qui touche la recherche académique française en économie ne devrait pas arranger les choses dans l’avenir. Pourquoi dépenser son temps « gratuitement » à écrire sur un blog alors qu’il pourrait être utilisé pour jouer à la « guerre des étoiles » en écrivant une énième version d’un papier qui a déjà été publié 3 fois (je caricature un peu) ? Les coûts d’opportunité liés au fait de bloguer sont quand même très importants. La fonction d’utilité des économistes blogueurs français doit avoir une drôle de tête…

6 Commentaires

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6 réponses à “To blog or Not to Blog

  1. Et encore la situation est relativement bonne par rapport à d’autres sciences sociales…

    Un petit espoir cependant. La campagne présidentielle de 2007 avait amené certains économistes et sociologues à bloguer (principalement sur des blogs de sites web de journaux papiers). Il n’est alors pas exclu que le phénomène se reproduise pour 2012. Et peut-être que certains néo-blogueurs poursuivront l’expérience. En tout cas, ça sera aussi à la blogosphère actuelle de les convaincre de l’utilité d’une telle démarche.

  2. elvin

    « Je suppose qu’une partie de ces hypothèses est transposable à la France, en particulier la 1 et la 4 (et éventuellement la 5). »

    Et aussi la 2, mais surtout la 3 !

  3. J-E

    « Italian (European) economists share a Catholic/post-Marxist culture which places much less confidence on individual, as opposed to collective, achievement; »

    J’ai bien ri, franchement les économistes devraient arrêter de jouer aux apprentis sociologues. Par ailleurs je ne vois pas très bien en quoi le blogging est « market-oriented », ni en quoi la concentration des médias laisse moins de place à des initiatives individuelles. Au contraire même, si les medias italiens sont peu nombreux et très biaisés il doit être extrêmement facile de se faire une place en apportant de l’information non biaisée.

    Personnellement ma propre théorie, qui vaut ce qu’elle vaut, est la suivante : 1. Le marché pour les blogs américains est beaucoup plus large du simple fait que beaucoup de non-américains suivent les blogs en anglais, cet effet me semble beaucoup plus important que la différence supposée d’economic literacy entre les deux pays (si on faisait un sondage sur ISLM en Italie et aux Etats-Unis je ne suis pas convaincu que la proportion d’interrogés n’en ayant jamais entendu parler soit très différente). 2. Les profs américains peuvent être « tenured » très tôt, ont ensuite moins de pression pour publier et s’ennuient. Certains trouvent alors plus excitant de se prendre la tête avec des collègues sur la macro d’il y a quarante ans que de faire des rapports de referee. De gustibus non est disputandum.

    Par ailleurs l’Italie c’est un peu le purgatoire des économistes, les étudiants qui veulent continuer dans une carrière académique s’enfuient le plus vite possible où ils peuvent, ce n’est pas pour ensuite alimenter un blog dans la langue de Dante. Je ne suis pas sûr que ce soit très transposable au reste de l’Europe (caholico-marxiste, bien sûr).

  4. Thomas

    Je ne suis pas assez les blogs anglophones pour vérifier ce que je dis mais l’âge ne joue-t-il pas un rôle la dedans, avec pour hypothèse que l’âge moyen d’un prof est plus élevé en France qu’aux US ?

  5. « Ce qui est certain, c’est que l’obsession bibliométrique croissante qui touche la recherche académique française en économie ne devrait pas arranger les choses dans l’avenir. Pourquoi dépenser son temps « gratuitement » à écrire sur un blog alors qu’il pourrait être utilisé pour jouer à la « guerre des étoiles » en écrivant une énième version d’un papier qui a déjà été publié 3 fois (je caricature un peu) ? »

    Il n’y a aucune obsession bibliométrique : les classements de revues (et en particulier celui de la 37ème section) ne sont pas du tout bibliométriques – il y avait même eu un papier d’économiste pour montrer que cela créait une inefficience par rapport au « standard international », dont pouvaient profiter les chercheurs français.

    Si bibliométrie = comptage de papiers, alors nous sommes revenus dans les années 50. Ou alors bibliométrie = partage de primes sur coauthorship dans les listes HEC, ESSEC ou PSE/TSE ?

    Sinon, il ne reste plus qu’à mettre les billets de blog sur REPEC et de faire des cocitations entre blogs de vraies références, ça devrait permettre de les valoriser 🙂

  6. Merci pour ce billet, que j’ai signalé sur mon blog Ressources pour économistes http://toupourleco.wordpress.com/2012/01/05/la-blogosphere-economique-francaise-en-retard/. D’une manière générale, les sciences humaines et sociales en France sont en retard dans l’utilisation du web 2.0.

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